mardi 26 mai 2015

Une journée un peu spéciale

Attention :
cet article n'est pas très drôle
et parle de maladie,
de doutes et d'angoisses.
Si vous être là pour vous détendre,
passez votre chemin.
 

Aujourd'hui Cosette a 6 mois alors j'ai envie de vous parler d'elle, de ses évolutions, de ses apprentissages, de ses sourires et de ses fous rires...
Mais aujourd'hui, un autre sujet a occupé ma journée. Un sujet moins amusant, un sujet nettement moins amusant. Mon épée de Damoclès personnelle.

Ca s'appelle Polykystose rénale.

Derrière ce nom étrange se cache une maladie héréditaire dominante (c'est à dire un risque sur deux de la transmettre) qui provoque à long terme une insuffisance rénale nécessitant un traitement pas dialyse et/ou une greffe de rein.
Une maladie très caractérielle : une fois la présence de kystes confirmée, on ne peut pas savoir quand ça évoluera. Déjà, il n'est pas certain que ça évolue, ça peut rester à vie dans cette situation de statu quo qui n'impacte pas mon quotidien. Ensuite, si ça évolue ça peut être vers 40 ans ou 50 ans ou 60 ans ou 70 ans ou ... On ne sait pas. Et rien ne permet de le prédire.

Une épée de Damoclès qui influe sur mon mode de vie depuis que je suis gamine.

Qui dit héréditaire, dit familiale. Il y avait une machine de dialyse chez mes grands parents et mon père a eu une greffe rénale quand j'étais ado. J'ai toujours été persuadée que j'étais atteinte mais l'apprendre "pour de vrai" m'a quand même pas mal ébranlée.

C'est bien parce que j'avais une vision très sombre de mon avenir que j'ai vécu plusieurs vies en même temps pendant une période (une entreprise, des études pas correspondance et un boulot de nuit... simultanément !). C'est aussi pour cette raison que j'ai longtemps clamé que je ne voulais pas d'enfants. J'y reviendrai.

C'est certainement à cause de cet avenir que je m'imagine être le mien que je suis totalement phobique des aiguilles. Les prises de sang sont de vraies épreuves pour moi et je n'ai jamais réussi à donner mon sang (bon, ok, je n'ai essayé qu'une fois) tellement je panique...

Je suis actuellement suivie par l'un des médecins qui gère les essais cliniques de médicaments en France pour la PKD (le petit nom de cette pathologie). Tant que je vais bien, je ne rentrerai pas dans un protocole mais en attendant, j'ai une surveillance régulière de ma fonction rénale. Et aujourd'hui, c'était l'examen de contrôle qui se fait, normalement, tous les deux/trois ans et que je n'avais pas fait depuis 2011, grossesses oblige (ça modifie la fonction rénale et puis, il y a une injection d'iode pour l'examen...).
Le principe de l'examen, c'est une prélèvement d'urine et un prélèvement de sang toutes les heures. 6 prélèvements en tout. Néanmoins, ils ne sont pas si barbares que ça, ils ne piquent pas 6 fois (ouf !) mais ils plantent un petit tube dans le bras et le laissent à demeure pendant la durée de l'examen. Ce qui me fait peur, dans les aiguilles, c'est surtout le fait que ça soit (et que ça reste) dans mon corps... Autant dire que cet examen est une réelle épreuve pour moi.
L'Homme a eu la gentillesse de venir me tenir la main pendant qu'on me mettait en place cet objet intrusif qui me fait particulièrement paniquer. Et finalement, ça c'est bien passé. Mais je vous laisse imaginer l'angoisse dans les quelques minutes avant la mise en place du truc et l'espèce de bouffée de panique quand elle a demandé à L'Homme de sortir... J'ai réussi à prendre sur moi et à dire que non, si elle voulait me piquer, j'avais  besoin qu'il soit là...

Et c'est passé.

***

Quand j'étais plus jeune, et même encore il y a cinq ans quand j'ai rencontré L'Homme, je disais à qui voulait l'entendre que je ne voulais pas d'enfants parce que je ne voulais pas "transmettre". Finalement, les choses ne se passent pas comme prévu et j'ai voulu donner des enfants à L'Homme et fonder une famille avec lui.

Bien sûr, il était au courant du risque. Nous en avions parlé et nous avions décidé que ça ne devait pas nous empêcher de construire une famille, qu'il est possible (très fortement possible) que d'ici 40 ou 50 ans, quand ils seront concernés, un traitement soit en place. C'est d'ailleurs l'une des raisons de ma présence dans ces protocoles.

La Tornade est né. Je ne me suis pas trop posé de questions surtout que mon suivi a été mis entre parenthèses à cause de la grossesse et de l'allaitement puis de la préparation du mariage (je n'avais pas la tête à ça). Je suis tombée enceinte de Cosette... Une sage-femme m'a alors fait des remarques parce que je n'avais pas dépisté mon fils (mon néphro m'a dit que c'était trop tôt...). Ca m'a mise face à cette réalité que je ne voulais pas voir : j'ai peut être transmis cette maladie à mon enfant. Puis Cosette et née et j'ai repris le suivi. J'ai réfléchis sur certaines de mes réactions, sur certaines choses qui me touchent... Et je me suis bien rendue compte de l'importance de cette pathologie dans ma manière de m'être construite. J'ai décidé qu'il fallait que j'en parle à mes enfants même s'ils encore trop jeunes pour vraiment comprendre. L'examen d'aujourd'hui, était l'occasion idéale...

Mais j'ai eu des mots tellement maladroits quand j'ai parlé à La Tornade. Je lui ai dit que "maman a une maladie", j'ai essayé de lui expliquer avec des mots simples. Sans lui dire que son papy aussi l'avait ni, surtout, qu'il risquait de l'avoir aussi. Je voulais juste lui dire que pour l'instant je vais bien mais qu'on surveille... Mais mes mots étaient tellement bancals. J'ai vacillé quand il m'a répondu "moi aussi j'ai une maladie", c'était comme un coup de couteau, je n'ai pas su que répondre. Et il a enchaîné "Cosette aussi elle a une maladie".

Heureusement que L'Homme était pas loin et qu'il a pris la suite, je n'étais plus capable de parler.
Depuis la naissance de Cosette, ça fait plusieurs fois que je me demande comment je réagirais si j'apprends que je leur ai transmis à l'un ou à l'autre, ce cadeau empoisonné. Serais-je encore capable de me regarder dans un miroir ? Serais-je encore capable de les regarder, eux ?
Un jour, j'ai dit à ma mère que je ne voulais pas d'enfant parce que je ne voulais pas transmettre. Elle m'a alors demandé si je pensais qu'ils avaient eu tord, eux, de faire ce choix.
Impossible de dire autre chose que non, je ne serai pas là, sinon... Mais je ne sais pas si je suis capable de surmonter ça, ça serait comme avoir fait du mal à mes enfants en toute conscience, non ?
Je ne sais pas, ça me turlupine... Et je ne saurai pas avant une quinzaine d'année, quand ils seront assez grands pour décider s'ils veulent savoir ou pas.

Mon père, greffé depuis bientôt 20 ans, se porte à merveille, il a une activité professionnelle physique (il est commerçant) et prenante et il tient le coup (bon, ok, il est fatigué, mais il a 60 ans...). Cet exemple devrait me rassurer, non ?
Je suis au courant des avancées des tests cliniques et il y a fort à parier que d'ici 10 ans maximum, un traitement efficace soit commercialisé. Cette perspective devrait me rassurer, non ?
Alors pourquoi est-ce que je n'y arrive pas ?

Mmm...
Voilà une conclusion bien pessimiste...
Mais je travaille à croire en l'avenir, à lui faire confiance.
Et j'espère sincèrement que pour mes enfants ceci ne sera pas une épreuve de plus dans la vie, déjà garnie dans ce domaine, mais juste une formalité, un petit désagrément passager sans incidence.
Je crois en la médecine.
Et j'aime mes enfants.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire